Jeux innocents à la terrasse ... ou pas [Maxence]

« Amusons nous, nous n'avons rien à perdre d'autre que nous. »

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Certains se plaignent de devoir se lever le matin tôt pour gagner leur vie, regarder au travers de la fenêtre et regarder la pluie marteler la vitre, quel déplaisir voire même une corvée de se dire qu'aujourd'hui, il faut bosser. A New York, la plupart pensait cela, ou alors quand il y avait un grand soleil, que c'était cruel de rester enfermer derrière un bureau alors qu'on serait mieux à Central Park pour faire bronzette ou faire de la barque. Toutes ces petites choses, Bambou ne les pensait jamais à son réveil, tout d'abord parce qu'elle ne vivait plus dans la Grosse Pomme depuis deux ans maintenant et s'en portait pas si mal. Deuxièmement parce qu'il faisait presque toujours beau alors le soleil s'infiltrait entre les rideaux pour réveiller en douceur, se dire que ça allait être encore une bonne journée. Et puis elle aimait son job, pas le plus rémunéré ni le plus gratifiant, serveuse dans un café n'est pas une ambition première, mais il lui plaisait. Aller et venir entre les tables, se rendre en terrasse profiter quelques instants du soleil ou alors attendre un nouveau client à coté du ventilateur pour ne pas avoir trop chaud, la vie ne pouvait être mieux. Enfin si, mais ça c'était déjà énorme par rapport à sa vie d'avant. Voilà pourquoi la jeune femme se leva de son lit avec le sourire dans son petit shorty et débardeur assorti qui lui servait de pyjama, trop chaud à Eros pour des manches longues ! Le rituel était toujours le même le matin, son petit café noir avec des tartines, une bonne douche et la question existentielle du jour : que mettre ? Oui, les filles se posent très souvent la question et Bou se la posait tous les matins, devant son armoire où des tonnes de vêtements trônaient, soigneusement trier selon la longueur des manches et par couleur pour mieux s'y retrouver. Son armoire, c'était son sanctuaire avec plus de vêtements qu'une fille a besoin mais dont elle ne savait pas quoi sortir pour travailler. Comme tous les jours, il allait faire beau et chaud, alors à bannir le noir et les manches longues ainsi que les jeans. Le moment des essayages s'imposaient. Premier essai, une jupe rose avec un petit top blanc mais elle avait l'impression de ressembler à Barbie ; puis ce fut une jupe en jean avec un t-shirt marqué POP jaune mais non ; une tunique grise avec un leggings mais elle ne sentait pas à son avantage … Après six tenues, elle opta finalement pour une robe à rayures blanches et jaunes en haut et le bas jaune qui s'arrêtait au-dessus du genou. Avec son teint cuivré, cela lui allait parfaitement bien, assorti à ses cheveux blondis par les rayons méditerranéens. Alors, une fois la tenue choisie, elle passa au maquillage, toujours très simple mais important pour se sentit belle.

Elle commençait à onze heures et claqua la porte de son appartement à quinze minutes avant, pile le temps de descendre à pieds jusqu'au café où elle travaillait. Le Viva Kardista était un petit coin de paradis, loin des immenses cafés impersonnels où les serveurs regardaient à peine les clients, ressemblaient plus à des robots qu'autres choses. Non, ici la convivialité était de mise, le personnel peut nombreux se connaissait bien et chacun s'entraidait si l'un d'entre eux avait besoin d'une après midi de congés. Cela n'avait rien non plus d'un café de poivrots avec des piliers de bar qui racontent cinquante fois les mêmes histoires. Ici, il y avait de tout : des habitués certes, mais aussi des touristes, des habitants, des travailleurs en pause … un véritable melting pot que Bambou adorait contempler et avec qui faire parfois la conversation. Il y avait rarement beaucoup de monde, cela laissait le temps de glisser un ou deux mots sympathiques avant d'aller à une autre table. Car si la terrasse n'était pas bondé, un va et vient incessant se faisait, ce qui faisait qu'il y avait toujours du boulot, de nouvelles personnes. Bref, le genre où l'on rencontre toujours des gens, parfait pour la jeune femme qui adorait parler et voir du peuple, c'est toujours mieux que de travailler au salon de coiffure où, en fin de compte, on rencontre toujours les mêmes têtes, de quoi se lasser rapidement !

Comme tous les matins, il y avait Kyros à la terrasse. Kyros avait la cinquantaine, les cheveux gris d'un magnifique éclat et un sourire à faire pâlir les stars américaines par sa blancheur. Il était dans l'immobilier et donnait souvent rendez vous à ses clients car il aimait bien l'endroit. Dire que Bambou l'avait pris pour une espèce d'escort boy à cause de ses costumes de luxe et le fait qu'elle le voyait toujours avec des femmes et cette façon de sourire; Quelle idiote lorsqu'elle le lui a demandé ! Il en riait encore pour lui faire une petite blague, tout sourire aux lèvres lorsqu'elle passa à ses côtés.

Bonjour Kyros !

Bonjour ma jolie ! Tu sais qu'aujourd'hui c'est moitié prix pour les jolies blondes en robe jaune ?

Et le café est tarif plein pour les quinquagénaire au sourire ultra-white !

Et elle pénétra dans le café pour prendre son service, il était pile onze heures, quelle ponctualité ! Il n'y avait pas grand monde, tant mieux la jeune femme pouvait lire son magazine non loin du ventilateur pour ne pas avoir à souffrir de la chaleur, bien qu'elle soit légèrement habillée dans cette robe avec ses sandales assorties.

Le temps passait à la vitesse de l'éclair avec l'affluence, les sourires, les commandes. Elle servait mais aussi s'occupait de préparer les boissons. La jeune femme était la reine des cocktails et les clients ne s'en plaignaient jamais. Ses mojitos, ses piña colada … et même son viva kardista touch faisait le délice des papilles des clients. Que d'allers et retours, parfait pour galber les mollets bien qu'elle n'en avait pas besoin avec son corps de rêve. Et alors que l'autre serveur s'occupait du nouveau client, Bou envoyait un texto à son ami Clay pour savoir si elle pouvait passer lui dire bonjour après son service. Une fois envoyé, ses yeux café se posèrent sur une table qui n'était plus vide et de loin, elle reconnut cette silhouette familière. Il se mettait toujours à la même table, ou dans le même coin en tout cas. C'était toujours pareil, il travaillait à la terrasse et elle allait passer commande. Ses collègues avaient bien remarqué qu'il lui plaisait alors on lui laissait le soin de s'occuper de lui. Elle prit son calepin, arrangea machinalement les cheveux pour se rendre à sa table avec le plus charmant sourire

Bonjour ! Une semaine sans vous voir, je pensais que vous crouliez sous le travail ! Que prenez vous aujourd'hui ?

Oui, ils se cherchaient. Un petit jeu pas vraiment innocent mais distrayant pour les deux sans aller bien loin. Bambou ne connaissait pas le nom de ce beau travailleur, elle savait … hé bien pas grand chose mais pas besoin pour s'amuser comme il faisait !

Le réveil était dur et Maxence poussa un grognement de mécontentement en sentant déjà les tambourinements incessant dans sa tête. Vive la gueule de bois de bon matin ! Il faut dire que tu l’as cherché mon p’tit père ! D’ailleurs qu’avait il fait la veille ? C’est ce qu’il se demandait alors qu’il se passait une main dans ses cheveux. Quelques souvenirs assez flous lui vinrent alors à l’esprit. Bar, vodka, fille, retour fracassant et sans doute le plus long qu’il avait du faire. Sortant un peu du lit, il pu constater qu’il étant non seulement nu mais que ce lit n’était pas le sien. Tendant l’oreille, quelqu’un était apparemment sous la douche, cherchant rapidement autour de lui à la recherche d’affaires, il trouva une chaussette, une chemise mais pas de caleçon… C’était assez problématique, se promener nu chez soi est une chose mais le faire en terrain inconnu est une chose toujours délicate qu’il préférait éviter. Finalement une porte s’ouvra à la volée, laissant voir une charmante créature enveloppée dans une serviette qui lui adressa un sourire en l’apercevant. Fonçant dans ses bras, elle lâcha sa serviette qui tomba silencieusement au sol. Piouu des réveils comme ça, il en prendrait bien tous les matins ! – sans mal de tête si possible- Une fois ce baiser terminé, Max souffla un bon coup, tentant de se trouver quelques secondes pour retrouver son prénom qu’il avait sous le bout de la langue, c’était une étudiante étrangère, Nat…Ntla…non Nataly…roo et puis zut, il pourrait bien trouver comment esquiver.

« Tu devrais te raser, tu piques décidément trop, hier soir je trouvais ça sexy la je trouve ça héritant »

lâcha t elle alors qu’elle passait ses doigts dans ses cheveux qui commençaient à boucler.

« Je ne peux être que d’accord avec cette idée, puis je emprunter ta salle de bain? »

« Bien sûr, tu peux aussi emprunter le rasoir de mon copain. »

« Ah ? »

********

Finalement ce réveil aurait pu être mieux, Maxence n’était jamais bien difficile quand au choix de la poursuite de ses rencontres mais pour avoir lui-même subi une infidélité, il ne voulait pas reporter cette malchance à quelqu’un d’autre. C’est donc propre et bien rasé mais quand même maussade que Maxence traversa la petite rue pour se rendre sur l’une des places. Un bon café noir et un visage agréable à observer, voila ce qu’il lui fallait et heureusement pour lui le Kardista avait tout ça. Retroussant les manches de sa chemise sur ses bras, il s’installa avec calme et flegme avant de sortir ses affaires. Un feutre rouge, un crayon gris et des notes à la pelle. Comme ci relire ses propres articles n’étaient pas assez longs, il devait en plus reprendre certains se ses collègues. Enfin ce n’était pas le moment de faire le nez de cochon, la charmante serveuse dont il ignorait le nom n’allait pas tarder à arriver. Enfin si elle poursuivait leur petite habitude. Elle arriva finalement dans son champs de vision en servant deux cafés et alors qu’il baissait la tête pour faire comme s’il ne l’avait pas vu, il la redressa lorsqu’elle s’adressa à lui.

Lui rendant un magnifique sourire comparable au sien et cela, malgré son mal de tête et son manque de sommeil. Il reposa son stylo et appuya ses coudes sur la table.

« Une apparition divine, je ne pensais pas que mes prières seraient si vite exaucées »

« Dois je en déduire que je vous ai manqué ? »

ajouta t il pour enfin lui répondre.

« J’ai été moi aussi meurtri de cette absence mais la vie n’est jamais une partie de plaisir malheureusement. »

Se laissant tomber contre le dossier, il plissa un instant les yeux, éblouis par le soleil qui lui faisait face sans pour autant perdre son sourire. C’est qu’il se faisait vieux pour passer des nuits blanches et enchainer des journées pleines ! Foutue vieillesse ! Un bon café serait son meilleur allié à défaut de pouvoir être massé dans le dos pour faire disparaître ses maudites crampes.

« Un café noir serait mon vœux le plus cher, d’autant plus si on vous autorise à prendre une petite pause en ma compagnie, ça le rendrait d’autant plus meilleur à consommer. »

Toujours un plaisir de voir un charmant visage familier. Enfin, familier était un grand mot vu qu'elle ne savait officiellement rien de lui. Ce qu'elle avait appris de lui, c'était en l'observant entre deux services : toujours avec ses papiers –donc du genre bureaucrate–, décontracté, charmeur –donc célibataire, ou beau salaud– et souvent petite mine –fêtard ?. En tout cas, il était poli et lui faisait la conversation, il était légalement impossible de ne pas lui rendre la pareille, un crime serait commis sinon ! Alors oui, elle espérait à l'attendre, mine de rien à côté du ventilateur, relever les yeux à chaque client pour replonger instantanément, pas assez intéressant pour le servir. Une fois, un type de dos lui ressemblait, même chevelure, style et même coin. Tout sourire, la déception fut grande lorsque le garçon en question n'était absolument pas l'homme qu'elle voulait. Tant pis, une prochaine fois sans aucun doute … Et ce fut aujourd'hui. Absolument parfait pour continuer la bonne journée annoncée par elle-même sous la douche : aujourd'hui, pas de dégâts ni de mauvaises nouvelles, rien que de la joie et des sourires. Il fallait positiver pour que les choses bien apparaissent, et ne jamais se décourager. Comme quoi, tout payait à un moment !

Elle restait toujours naturelle en sa compagnie, malgré tous les petits sourires et les frôlements, elle ne devenait pas une idiote sans aucune répartie, comme ce qu'elle était d'habitude quoi ! Après, on s'étonne qu'elle attire les mauvais types … Bambou devrait avoir l'habitude de se faire accoster, vu comment elle était belle. La jeune femme ne se trouvait pas laide mais ne se trouvait pas exceptionnelle et quand certains garçons lui tournaient autour, elle se demandait souvent pourquoi elle et pas une autre ! Avec un peu d'aplomb, Bou décida d'arrêter de se comporter comme une gamine de quinze ans, le lycée était passé depuis un petit temps. Et cet inconnu de la terrasse était une sorte de cobaye (parmi d'autres) à tester ce naturel contrôlé, ne pas paraître trop blonde à ses yeux, juste une fille sympathique, et pourquoi pas plus … Non, il fallait éviter aussi trop de films, juste voir ce qui allait se passer. Et c'est ainsi qu'elle arrivait avec le grand sourire devant lui. Vu son joli minois, il y avait de quoi lui sourire et avoir envie de s'occuper de lui. Et quel bonheur d'avoir un magnifique sourire de sa part, cela le rendait encore plus séduisant, malgré ses petits yeux, dus au soleil et aussi sûrement à un manque de sommeil. Après tout, il avait raison d'en profiter, un beau garçon comme ça devait en faire tomber pas mal des filles, surtout que celles sur l'île n'étaient pas farouches, enfin les célibataires. Et les casées aussi à réflexion faite. Bou se mordit doucement la lèvre inférieure sur le compliment, qui serait assez idiot pour en être indifférent, et leva un instant les yeux au ciel. Apparition divine, il avait le bon mot lui et ce n'était pas pour déplaire à la jeune femme, amusée de ce charmant début de conversation. C'est vrai quand on est habitué à une présence récurrente et ne plus l'avoir du jour au lendemain, on le remarque forcément. De là à ce qui lui ait manqué … Bon d'accord, Bambou attendait parfois son apparition avec sa montagne de paperasse, sortir son stylo et commencer à travailler une fois assis. Elle hocha de la tête, totalement de son avis.

Si je vous ai manqué aussi, alors nous sommes quittes !

Sans avoir l'air de l'observer, Bou ne détournait pas le regard. Après tout, elle attendait sa commande et pouvait un peu se rincer l'oeil, ce n'était pas un crime car le bel inconnu ne devait pas s'en priver. Et cela pourrait aller plus loin à l'invitation qu'il lança alors qu'elle notait le café noir sur son petit calepin, plus par habitude car elle allait s'en souvenir une fois à l'intérieur. Puis, ses yeux café et un autre magnifique sourire se posèrent sur le jeune homme avec un petit acquiescement.

Vœu accordé pour le café. Quant à la pause, là il faut que je voie la hiérarchie. Je pourrais manquer à d'autres, je ne veux pas qu'on ait de la peine si ma divine apparition n'est plus.

Elle partit avec un petit rire, si propre à elle-même qu'on le reconnaitrait entre mille, tellement chantant et mélodieux, franc et sans complexe, un joli rire en somme. De retour à l'intérieur, elle préparait le café quand son collègue entra à son tour. Puisqu'elle était à la machine à café, elle s'occupait aussi de la commande du serveur qui était là. Et puisque le chef était absent, il fallait se coordonner pour les pauses. Pour cela, il fallait faire son plus beau sourire et charmer le garçon pour qu'elle l'obtienne le plus tôt possible. Pour une fois que le beau gosse de la terrasse se lançait, ce n'était pas le moment de se voir refuser une pause maintenant. Non, la journée était excellente et elle allait continuer ainsi, point final.

Léandre … je peux prendre ma pause ?

Shanae n'est pas encore revenue et moi je ...

Après son retour, je pourrais ? C'est important !

L'autre bellâtre je parie. Bon ok, d'ici dix minutes

Elle lui déposa une bise sur la joue et repartit en terrasse pour apporter le café à son futur rencart, bien que boire un verre sur son lieu de travail à son heure de pause n'était pas au sens propre un véritable rencart. Tant pis, elle le prenait comme ça, c'était très bien. Sur son plateau, le café bien noir était servi et déposé avec délicatesse un peu plus loin que les papiers pour ne pas renverser, ça avait l'air important vu comment il travaillait dessus. Servi avec en plus un sourire, que demander de plus.

Le café, bien noir ce qui signifie nuit bien courte. Enfin je dis ça, je dis rien ! Quant à la pause, j'attends le retour de ma collègue. Si vous êtes patient d'une dizaine de minutes, vous m'aurez à la même table ! Et peut être un autre café, celui-là aura refroidi depuis.

Et avec un petit clin d'œil, elle repartit à son travail puisque deux touristes venaient de s'assoir un peu plus loin. Le devoir l'appelait mais intérieurement, jamais elle n'a été aussi pressée de voir sa collègue arriver enfin. Chacune son tour de se reposer, bien que Léandre ait été sympa de donner son tour car il n'était pas obligé. Enfin si, Bambou ne lui avait pas donné le choix à dire vrai, elle se montrait persuasive quand elle le voulait avec un petit sourire et le regard qui allait avec. Maligne la demoiselle derrière son air un peu naïf et sa petite blondeur !

Quand enfin, l'autre serveuse revint avec quelques sacs de shopping, Bambou s'occupa d'une dernière cliente, une mamie excentrique mais charmante à toujours vouloir un cocktail différent mais haut en couleurs selon ses dires. La mamie faite, se laver les mains et une dernière vérification dans le miroir, la voilà fin prête à enfin découvrir son inconnu qui n'allait plus en être un bien longtemps. Elle allait se chercher un petit verre, un magnifique cocktail, le Morango doce avec limonade, jus d'orange, sirop de fraises. Frais et rafraichissant, elle en fit un deuxième pour le jeune homme. Il était toujours là, plongé dans ses feuilles, elle posa les deux verres et s'assit enfin de lui. Lever le voile sur un garçon mystère, c'était amusant, ou décevant selon les situations. Elle releva les cheveux pour les faire tenir par une pince, chaleur oblige et enfin se mit à parler.

Et me voici. Je vous ai apporté un petit truc frais, par ce temps, c'est mieux ! Et offert par la maison, que demander de plus !

Un sourire en coin apparu sur le bord de ses lèvres alors qu’elle s’éloignait avec sa commande prise. Il ne la connaissait rien d’elle, si ce n’est qu’elle tombait toujours dans le juste quand il fallait lui répondre. Elle ne gloussait pas comme une sotte à l’un de ses compliments sans ne savoir quoi répondre. C’était bien souvent le problème des rituels amoureux, quand on a en face de soi un partenaire peu avisé, le jeu tombe rapidement à l’eau. Combien de fois Maxence avait décliné des invitations parce que malgré tout l’attrait physique qu’elle représentait, leur échange verbal avait été catastrophique.

Se replongeant dans son travail, il commença à lire un premier extrait avant de s’arrêter une fois qu’elle fut de retour avec sa commande. Enfin, il allait se réveiller. Il en aurait bien besoin s’il voulait faire la discussion avec elle sans avoir l’air d’être un vulgaire oiseau de nuit. Écartant un peu ses affaires pour faciliter la tache à la serveuse, il la remercia par un sourire.

« Ils pourront survivre, moi peut être pas, ils trouveront bien d’autres rayons de soleil. »

lui répondit il alors qu’elle s’éloignait déjà.

Se replongeant dans son travail, il se retrouva concentré sur les effets négatifs de l’utilisation d’engrais bien trop abrasif pour être réellement accepté par les normes Européennes, il s’en suivait donc un débat sur les avantages et les inconvénients de la grâce au sein de l’Union. Un plan classique mais largement acceptable. Il aurait été de toute manière mal vu qu’il reprenne un collègue de dix ans son ainé. Maxence avait eu quelques mois auparavant une offre d’emploi pour un magazine étranger avec un salaire plus important mais il avait décliné, celui qu’il touchait au messager des dieux était déjà confortable et cette ville était bien trop agréable pour qu’il la quitte. Ici c’était leur petite bulle, un monde qui semblait hors du temps et hors du monde. La chaleur du soleil de midi fut présente en cet instant pour appuyer son idée.

Il n’avait pas fait attention que déjà elle était de retour avec sa commande. Ecoutant ses paroles avec attention, il ne répondit rien sur le moment. Se contenta de lui lâcher un petit « merci » . Il analysait déjà ses paroles. Le fait qu’elle évoque sa nuit courte voulait bien dire qu’elle portait un intérêt à ce qu’il pouvait bien faire en dehors de cette terrasse. Enfin cette information valait ce qu’elle valait mais c’était un signe de plus encourageant lui indiquant qu’il allait dans le bon sens avec elle. Ce n’était pas une compétition ou un défi pour la mettre dans son lit, si le but premier avait été d’en arriver, il l’aurait déjà invité belle lurette auparavant. Non il se contentait juste de l’observer avancer à l’aide des répliques qu’il lui lançait. Oserait-elle vraiment se dévoiler pendant qu’ils parleraient enfin et qu’ils seraient face à face ? Ce n’était plus le même rapport serveuse client qui allait se dérouler ? Serait-elle toujours aussi aimable ou c’était seulement pour obtenir un peu plus de pourboire ? Apres tout il était peut être un gars un peu trop vieux qui se croyait encore irrésistible a qui elle laissait croire ce qu’il voulait bien voir.

Il devait sérieusement arrêter de retourner toutes les situations dans tous les sens et boire son café. Reposant son stylo, il remua rapidement son café avant de le porter à ses lèvres, soufflant délicatement dessus, il dégusta enfin son arome avant de le boire rapidement et se remit à travailler jusqu'à être agréablement dérangé. Rangeant tous ses affaires dans sa chemise en cuir, il n’allait pas continuer à travailler alors qu’elle prenait sa pause pour lui tenir compagnie ! Un minimum de manières et de galanterie quand même.

« Et bien… J’ai même droit à un cocktail en supplément. Si ce n’est pas de l’incitation à augmenter votre pourboire, je ne sais pas ce que c’est. »

Lui répondit il en lui adressant un regard taquin.

Se tournant un peu plus vers elle, son sourire ne quittait pas visage alors qu’il enchainait déjà.

« Puis je connaître le prénom de ma bienfaitrice ? Ou est ce trop demandé ? »

Personne ne pouvait résister à d'aussi jolis compliments, ils restaient pendus aux lèvres pour y dessiner un magnifique sourire, à la fois flatté et heureux. Voilà à quoi ressembler celui de la jolie serveuse lorsqu'elle dut délaisser son client favori pour d'autres. Bien sûr les mots d'un homme pouvaient se recycler pour d'autres filles mais cela elle s'en moquait totalement, Bambou aimait cette sensation d'être unique pour l'autre, de se sentir belle et à rayonner plus que le soleil tapant de l'après midi grec. Ce n'était pas à cause d'un manque de confiance en soi ou d'un excès, juste un plaisir d'avoir un bel homme aussi attentionné alors qu'il ne la connaissait pas, juste de ce qu'il voyait au cours de ses escapades à la terrasse. Savait il au moins son nom ? A moins qu'un collègue l'ait appelé, elle ne lui avait jamais dit et pas de badge à la poitrine comme dans les restaurants américains, personne ne pouvait deviner cet improbable prénom que sa mère lui avait donné, Bambou. Sûr que s'il le lui demander, il ferait une drôle de tête face à la réponse donné. Elle avait le mérite d'être unique en son genre car la jeune femme avait croisé beaucoup de Jessica, Camilla, Kaley … mais des Bambou, jamais. D'ailleurs, on s'étonnait même que ce soit un prénom. « Mais le bambou c'est pas un arbre ? » Non c'était une plante et certains appelaient bien leurs enfants Apple, Rose, Cherry ou Marguerite, on n'allait pas la persécuter pour cela quand même ! Et puis, elle adorait ce nom, cela prêtait toujours à interpeler l'autre, le beau gosse de la terrasse serait peut être de cette trempe là. A moins qu'il soit de ceux qui sont du genre à voir beaucoup vu, vu sa concentration sur ses papiers.

Oui, ce n'était pas parce qu'elle ne le servait pas pour le moment qu'elle ne jetait pas un coup d'oeil par-ci par-là en sa direction. Plongé dans ses papiers à siroter son café, il devait avoir un job très sérieux comparé à la demoiselle en petits talons à servir des cafés et autres cocktails. Il n'y avait rien d'avilissant ou de mal là-dedans, la jeune femme n'a jamais été de celles qui planchent sur un sujet de dissertation pendant des heures ni lire des tonnes de bouquins. Ses livres, c'était pour le plaisir et pas forcément les plus intellectuels. Son magazine préféré restait Cosmopolitan, pas du tout intello mais elle s'en moquait totalement, les remarques des autres ne l'atteignaient pas, surtout pour si peu; Ses magazines et sa lecture reflétaient sa personnalité et son anti-prise de tête. Cela ne l'empêchait pas de lire le journal et s'intéresser au monde. Un peu blonde sur les cheveux mais ce n'était pas réciproque à l'intérieur ! En tout cas, elle semblait aux antipodes de Monsieur Café avec ses papiers étalés sur la table comme à chaque fois. Souvent, Bou avait voulu lui demander sur quoi il travaillait ou ce qu'il faisait dans la vie mais finalement n'y pensait plus une fois arrivé devant lui avec sa commande. Pour s'amuser, elle l'avait imaginée espion. C'est totalement idiot car il avait l'air décontracté pour ça et qu'un véritable espion ne viendrait pas régulièrement au même endroit avec des papiers top-secrets. C'était marrant et elle en avait parlé à une amie qui l'avait traité d'idiote mais le surnom de Mr Bond pour le jeune homme était resté, il n'y avait rien de méchant. Un petit surnom pour un inconnu, en attendant de savoir son prénom, ce qui n'allait pas tarder.

Ah, l'heure de la pause tant attendu. Souvent, elle restait dans le café ou se mettait à la terrasse avec son magazine pour le feuilleter un peu ou alors allait flâner dans les rues de la ville, pourquoi pas faire un achat ou deux. Mais entre choisir d'acheter une Xe paire de chaussures ou s'assoir face à un charmant homme, la question ne se posait même pas en fait ! Pour faire bien, deux cocktails furent amenés, histoire de détendre l'atmosphère, bien qu'il n'y ait aucun alcool dedans, juste de quoi se rafraichir par ce magnifique temps. La remarque qu'il lui lança la fit rire spontanément. Son visage rayonnait par cet humour fin mais efficace, surtout qu'elle n'avait pas du tout pensé à mal en faisant cela. Amusant le garçon mais ça, elle le savait déjà et lui fit un magnifique sourire de toutes ses dents en guise de réponse; S'il voulait lui donner un plus gros pourboire, elle ne dira pas non mais ne faisait jamais rien pour cela, les gens jugeaient pour la qualité du service et de l'accueil, Bambou se récompensait par du shopping. Il fallait bien se faire du bien ! La conversation pouvait commencer et d'ailleurs, il lança d'emblée la première question : son prénom. C'était bien la base depuis le temps qu'il venait !

Vous voulez briser le mystère de la serveuse ? Après tout, pourquoi pas tant que je sais le votre ensuite ! Je m'appelle Bambou et non, le cocktail n'est pas pour mon pourboire. Quoique vous faites comme vous voulez ! Mais je ne veux pas que vous vous desséchiez en plein soleil !

Et après avoir remis une mèche rebelle derrière son oreille, elle se saisit de son verre pour déguster une bonne gorgée rassasiante, c'était frais et bienfaiteur entre la chaleur et ses allers-retours incessant, cela faisait du bien de se poser un peu, de boire un verre et discuter avec quelqu'un. La question du métier lui brûlait les lèvres mais elle sentait qu'une bourde allait sortir. C'était obligé, à force de triper sur l'espèce d'agent secret, ça allait sortir. Elle était comme ça Bou, nature. Un peu trop, elle en devenait gaffeuse. Un de ses deux amis répétait que cela faisait son charme. Ses yeux se posèrent sur la chemise en cuir avant de soutenir à nouveau son regard, une petite moue curieuse naquit sur sa lèvre dessinée en coin et ses yeux à peine plissé. Tant pis si la gaffe sortait, elle saurait se rattraper. Enfin, elle l'espérait.

Je me suis toujours demandée ce que vous faisiez dans la vie. Toujours avec un tas de feuilles à lire, noter … Un jour j'ai même pensé que vous étiez une sorte de James Bond

Comment passer pour une blonde en deux secondes, c'est tellement stupide ce que je viens de dire !

Elle l'avait dit, c'était sorti tout seul ! Heureusement, elle ne s'était pas empêtré dans un tas d'excuses sans queue ni tête mais finit sa phrase par un petit sourire gênée. Elle espérait qu'il ne la prendrait pas pour une ravissante idiote, bonne à servir des cafés. Pas sa faute si elle avait une imagination débordante et que sa mère ne lui avait jamais appris à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire un truc. S'il part en courant, c'est mort. S'il reste, il y a encore de l'espoire ...