• KILLIAN • travel around the world

Mes parents n'ont jamais compris quelle passion m'habitait. Qu'est-ce qui me poussait à toujours m'éloigner de ce qu'ils voulaient m'offrir. Je viens d'une famille plus qu'aisée, et je déteste ça. Je déteste avoir tout quand je n'ai besoin que du strict minimum. C'est pourquoi, dès que j'ai eu mes vingt ans, j'ai décidé de partir. Je leur ai balancé, un soir, que j'en avais marre d'eux, marre de ce qu'ils me faisaient endurer depuis que j'étais gosse. Ils voulaient que je devienne avocat, que je sois riche, célèbre, réputé, mais surtant grand et puissant. Ils voulaient que je fasse honneur au nom de Brehony. Nom que, au passage, je trouve carrément affreux et dont je me serais bien passé. Je leur ai foutu le bordel dans ma chambre, devant leurs yeux. J'ai rempli mon backpack de trucs divers et inutiles à leurs yeux, et je suis parti. Chaque semaine depuis mon départ, j'écris à ma petite soeur Waverly. Parce qu'elle est la seule qui compte à mes yeux dans ce monde. La seule pour qui partir me fend le coeur. Seulement, je l'ai fait quand même. Mon parcours commençait de la Roumanie, étant donné que nous venions de nous y installer pour les vacances d'été. J'ai marché/pris le train/fait du pouce pour ensuite me ramasser en Bulgarie. J'ai passé la nuit à Sofia, chez un vieux sportif plus en forme que moi qui m'a emmené monter le massif du Vitocha à cinq heures le lendemain matin. C'est là que j'ai réalisé que si je voulais continuer mon aventure, je devrais me mettre en forme. Après m'être douché dans la rivière Iskar, je suis reparti sur la route sans oublier de remercier infinimment Darren, ce vieil homme qui avait encore des millénaires devant lui grâce à sa force légendaire. J'ai pris la route vers la Grèce, pour y rencontrer la femme la plus belle et la plus unique du monde. Malheureusement, j'ai dû refouler mes sentiments. Il me fallait continuer ma route. Je ne pouvais pas m'arrêter après deux destinations. Surtout pas pour l'amour. Il y avait bien plus que ça à goûter dans ce monde. Alors j'ai continué mon chemin sans lui dire au revoir, après avoir profité de tout ce qu'elle avait à m'offrir. Trou de cul, enfoiré, appelez-moi comme vous le voulez, c'est vrai. Je me suis ramassé après plusieurs jours de trains jusqu'en Italie. C'était splendide. Venise, Florence, Rome, Bari, j'en ai fait le tour avec une passion indescriptible. J'ai rencontré des familles inoubliables. Mais c'était loin d'être l'arrêt le plus gratifiant. Ce fut lorsque j'ai traversé la mer jusqu'en Afrique. Au Burkina Faso, plus précisément. Là où j'y ai rencontré ma fiancée, X. C'est l'endroit le plus beau et triste du monde, en même temps. Les Burkinabés sont chaleureux, drôles, et ils m'ont donné une nouvelle vision du monde. J'ai complètement changé depuis ce voyage. Il est difficile de vivre dans ces conditions quand on a connu le confort toute notre vie. Heureusement, je savais à quoi m'attendre et je me connaissais assez fort et indépendant du luxe pour m'y plaire. Marcher deux heures de temps pour aller chercher l'eau du puit le matin, travailler dans les champs de coton, préparer la nourriture comme le Tô. Mais aussi, écouter les histoires de ces gens qui ont tout vu, jouer au soccer avec les enfants, partager ma culture. C'était magnifique. En plus, c'est au Burkina Faso, plus précisément dans le joli village de Léo, que j'ai rencontré Jude Dashwood, ma fiancée. Elle était archéologue sur le terrain. Nous avons passé des heures ensemble, à se soutenir moralement. N'ayant pas de famille d'acceuil, l'équipe de Jude me proposa de m'installer dans leur campement, à condition que je participe aux recherches. Alors, sous la supervision de ma belle brune, j'ai appris les bases du métier d'archéologue, et ça m'a beaucoup plu. Surtout si c'était elle qui me l'apprenait. Après cinq semaines de bonheur fou et de câlins et de baisers, j'ai dû partir. Je suis passé par Accra pour prendre un bateau qui longerait les côtes de l'Afrique et me ramènerait, quelques semaines plus tard, de l'autre côté, au Kenya. C'est splendide, là-bas, vous n'avez pas idée. Un paysage à vous en couper le souffle. Des femmes belles et fortes que je n'aurais jamais osé défier dans un combat de bras de fer. C'est sans vous parler de la faune et de la flore diversifiée et splendide. Puis les habitants y sont si aimables. J'avais beau ne rien comprendre de ce qu'ils me disaient, et eux rien de mon charabia, le simple langage corporel réussit à nous faire vivre en harmonie pendant deux mois. Ils m'ont appris à vivre comme eux, ils m'ont fait caresser un crocodile sauvage, ils m'ont fait manger des insectes. C'était génial. Mais j'ai été obligé de repartir, parce que j'avais rendez-vous avec quelqu'un, deux mois plus tard. En passant par la Somalie jusqu'en Égypte. Jude et son groupe d'archéologues seraient en train d'examiner des tombeaux dans les pyramides et rechercher sur le terrain. Je lui avais promis de la retrouver là-bas. Nous sommes rester pendant un mois complet, enlacés dans la folie de l'autre, à ne pas nous soucier du reste. L'Égypte était le décor parfait pour notre histoire d'amour passionnée. Son contrat s'est terminé le jour où mon itinéraire bien qu'improvisé me demandait de quitter le pays. Je lui ai demandé de me suivre, pour l'amour qui nous unissait. Vous savez quoi ? Elle l'a fait. Jude m'a suivie. Je l'ai traînée avec mon backpacking jusqu'en Libye, je lui ai fait goûté ce que c'était que d'être libre, de ne pas savoir où on dormirait le soir, ni si on mangerait. Ne rien avoir dans le crâne, si ce n'est que les images que le monde avait à nous offrir. On a marché main dans la main, accompagnés d'un autre groupe de backpackers, jusqu'en Tunisie. Nous avons fêté nos un an de connaissance et de fréquentation ambigüe avec le peuple tunisien, dans le secteur de Kelibia. C'est au pied de la forteresse, sur la plage, que je lui ai demandé de m'épouser. Une femme rencontrée à Tunis, artiste vendant ses bijoux, m'avait présenté ses oeuvres. Je n'avais pu résister à son insistance mais surtout à la beauté de ses créations, alors je lui ai acheté une bague à une somme raisonnable, bien que bien payée pour une africaine. Cette bague représentait ce bout de chemin que j'avais partagé avec elle. Moi qui avais pris la décision de partir seul dans ce périple, je l'avais laissée se coller dans ma solitude et mon sauvagisme. Et maintenant, nous partions nous marier en Grèce. En Grèce. Vous avez bien compris. Isolde. Putain.

Il faisait froid. Killian était sous un pont, à regarder les nuages défiler sous ses yeux. Le temps se faisait de plus en plus sombre, et le vent était si froid. Le jeune homme enleva son backpack de son dos, le posa entre ses jambes et entreprit d'en sortir la couette qu'il avait entreposé dans le fond de son sac, ne prenant que le strict minimum de place. On peut donc s'imaginer qu'elle était très mince, et donc peu réchauffante. Il entoura ses épaules de ce tissu et se serra contre lui-même, sortant une pomme achetée au marché d'une poche de son sac. Il la passa sur sa couverture pour l'essuyer un peu, et croqua à pleine dent dans le fruit. Il n'avait pas mangé depuis onze heures maintenant, et son estomac criait famine. Killian sourit en constatant le chemin qu'il avait fait, et ce qui s'offrait à lui bientôt encore. Plongé dans ses pensées, la voix féminine derrière lui le fit sursauter. « Suis-moi, tu vas crever de froid si tu restes là. » Le jeune adulte haussa les sourcils, mais ne se fit pas prier plus longtemps. Depuis qu'il voyageait à pieds, on lui avait souvent proposé un hébergement, mais jamais d'une façon aussi naturelle et spontanée et confiante. Cette Isolde, comme elle s'était présentée à lui, l'emmena dans sa maison et lui prépara un petit nid douillet sur son divan. « Merci beaucoup, tu n'étais vraiment pas obligée de faire ça pour moi. » Elle lui dit qu'il n'y avait pas de quoi, que c'était normal, qu'elle trouvait que les backpackers étaient vraiment beaux à voir aller. Ils parlèrent toute la nuit des rêves d'Isolde et des voyages de Killian. C'était fou. Fou comment on pouvait tomber si facilement amoureux de cette femme.

Un baiser, c'est les lèvres sur les lèvres ? Bon, eh bien dans ce cas, c'était avec sa mère. Tenant toujours à être très proche de ses enfants, elle venait le border chaque soir pour lui administrer un gros baiser mouillé et maquillé de rouge à lèvres. Killian avait toujours détesté les démarques affectives de la part de n'importe qui, mais en particulier de sa mère. Il n'aimait pas comment elle se conduisait avec lui, alors pourquoi faire seulement semblant de bien l'aimer ? L'amour inconditionnel n'est, selon lui, pas un véritable amour.

De ne pas avoir demandé la bonne en mariage. Ça se résume comme ça, mais évidemment, je vais développer, pour vous permettre de comprendre. Killian a récemment demandé sa copine du moment X en mariage. Elle a dit oui, ils sont fiancés. Ils se connaissent depuis environ six mois, ils s'entendent à merveille, filent le parfait bonheur et s'aiment. S'aiment, oui. Mais pas comme Killian a déjà aimé quelqu'un. Avec X, c'est déjà le vieux couple. Aller au cinéma, se tenir par la main, s'inviter à dîner au restaurant, tout planifier à l'avance. Le jeune homme a toujours préféré l'imprévisible à l'organisation. C'est tout simplement ce qui le maintient en vie. Alors quand il est avec elle, il ne peut s'empêcher de penser à une autre. À Isolde, pour être plus précis. Il sait que c'est traître, que c'est injuste et infidèle, mais s'il ne le faisait pas, il serait au bout du rouleau. Il adore X, il la trouve géniale. Mais pas assez pour la marier. Alors pourquoi avoir fait d'elle sa fiancée ? C'est ce qu'il se demande, jour après jour. Quel besoin avait-il satisfait en posant ce geste ? Aucun. Il ne comprend toujours pas. X ne tardera pas à remarquer l'erreur qu'il a commise. Elle sera blessée, et ça le tue. Mais on ne peut empêcher un coeur d'aimer. Même quand ce n'est pas la bonne personne.

C'est à cause d'elle. Elle, Isolde Accolti. C'est par sa faute s'il verse une larme chaque fois qu'il écoute son CD d'Eddie Vedder. En particulier la chanson Goodbye. Parce que ça lui rappelle ces deux semaines improvisées passées dans sa demeure, dans ses bras, dans le confort de ses yeux brillants. Il était amoureux, bon dieu, vous ne pouvez même pas imaginer à quel point. Il l'aimait de tout son coeur. Un peu comme un coup de foudre. Pas pour rien que c'était grâce à l'orage s'il s'était retrouvé sous son toit, ce soir-là. « I've got our love to remember, that will never change. I have you in my head, and no, I'll never hold you. And I'm still asking why. I guess that this is goodbye. My dreams suddenly seem so empty. I could go on my own, but I feel like playing dead. And for what feels like the first time. I don't know where you are tonight. I guess that this is goodbye. We lived half our lives together, a hundred years is a lot of weight to bear. And the sun, it may be shining. There's an ocean in my eyes. Because I know that this is goodbye; cause I know that this... is goodbye » Encore la larme à l'oeil. Parce qu'il l'a quitté, injustement, je vous l'accorde. Bref, cette chanson lui rappelle affreusement la seule femme qu'il a aimé dans sa vie. Isolde, reviens.

Killian est un grand rêveur, alors certes il rêve de cette flamme qui ne s'éteint jamais. Malheureusement, il ne l'a toujours pas rencontrée, visiblement, et ses espoirs qu'elle existe s'estompent peu à peu. Il pense que cette femme, faite pour lui, n'existe que dans ses plus grands fantasmes, désirs et songes. Ou bien dans l'âme d'Isolde, mais, elle ne lui appartient pas, plus. Et Jude ? Il avait bien cru, quelques semaines plus tôt, qu'elle était parfaite pour lui. Entièrement designée pour lui. Seulement, revoir l'autre femme de sa vie avait tout brisé le charme. Il ne restait presque plus rien de cette passion. En bref, la réponse est non, pas dans la réalité, du moins.

Killian n'y croit pas. Ces histoires de mythologique grec anciennes ne l'intéressent que pour l'aspect historique et culturel. Seulement, côté spirituel, il s'en fiche pas mal. Il a beau aimer divaguer et laisser son imagination déborder, il ne croit pas une seule seconde qu'une fontaine puisse faire de lui l'homme le plus comblé du côté amoureux. C'est stupide. Cependant, ça ne veut pas dire que Killian ne tentera pas le coup. Il n'a rien à perdre, de toute façon.

L'amour, c'est d'abord et avant tout un sentiment. Sentiment que n'importe qui peut ressentir pour quelqu'un d'autre. Ou quelque chose d'autre. L'amour, c'est de se sentir lié envers une quelconque personne, de ne pouvoir s'imaginer sans elle, d'avoir besoin de son souffle, de ses yeux, de son rire. De rêver d'elle la nuit. D'avoir le coeur qui bat la chamade quand on la voit. D'avoir des papillons dans le ventre qui menaçent de vous sortir par la bouche à tout moment. D'être passionné par cette personne. Que la quitter, juste une fois, ne soit même pas concevable. Alors pourquoi, pourquoi bon Dieu Killian est-il partit ?